PUIMICHEL
Notice historique
Puimichel 1930
Sommaire
Histoire de Puimichel
LES ORIGINES
Le territoire de Puimichel a été occupé bien avant la conquête romaine. Ses habitants, d’origine celte ou plus vraisemblablement celto-ligure, appartenaient à la peuplade des Bodionticiens (Bodiontici1 ou Bodionti) occupant la région de la Bléonne, entre la Durance et l’Asse. Elle avait pour chef-lieu l’oppidum de Dinia (Digne)2 auquel étaient notamment rattachés Thoardum(Thoard), Metae (les Mées), Stablonum (Estoublon) et Podium (Puimichel) (Julien,1840). Ils furent soumis en -14 par Auguste.
Avec une demi-douzaine d’autres tribus regroupées entre la Durance et le Verdon, ils formaient vraisemblablement une sorte de fédération que plusieurs auteurs du XIXe siècle3 identifiaient aux Albici (Albièques ou Albiques ou encore Albiciens). Ces Albici sont cités par César dans son récit de la bataille navale de Massilia (Marseille), en – 49, comme un ensemble de peuples, originaires des montagnes au nord de Massilia, qui étaient les seuls à être venus et à s’être battus vaillamment contre lui, aux côtés des Massaliotes.
L’une de ces peuplades, celle des Reii4 avait pour capitale, selon Pline, Alebaece,un oppidum qui constituait peut-être également, selon ces auteurs anciens, la capitale des Albiques (Albici)5. Celui-ci dominait la plaine où allait s’élever Alebece Reiorum Apollinarium, une ville thermale gallo-romaine qui deviendra l’actuelle Riez. À quelques kilomètres de là, se trouvait de plus un lieu du nom d’Albiosc, situé près d’Esparron, qui, selon Thierry (2011), était peut-être un vicus6 dont le nom découlerait également de son occupation par des Albici.
On ignore toutefois pratiquement tout de la période de l’occupation romaine du plateau de Puimichel, sinon que des pièces de monnaie à l’effigie de l’empereur Domitien (fin du Ier siècle) (Collier et Moulin, 1958) et de Marc-Aurèle (fin du IIe siècle), retrouvées sur le plateau, semblent indiquer l’existence d’échanges avec l’occupant, après la pacification complète de la région, sous Auguste (début du Ier siècle).
Les peuplades celto-ligures à l’est de la Durance
_____ : ligne de crête ; ] [ : col ; -- - -- - : limites des Alpes de Haute-Provence
1 Ce nom signifierait « ceux du gué » selon Garcin, ou « les victorieux », si l’on s’appuie sur le radical bodio, selon d’Arbois de Jubainville. Le nom de ce peuple a parfois été corrompu par des auteurs pensant qu’il devait le tirer de celui de la rivière (Bledona) et qui le nommaient de ce fait et à tort Bledontici (comme c’est le cas sur le dessin ci-dessus). Strabon indique que les habitants des Alpes fournissaient de bons fantassins, habiles au tir. On connaît ainsi trois mercenaires engagés dans la cohorte des Alpes et celle des Ligures portant comme cognomen leur lieu d’origine, Bodionius.
2 C’est sous le règne éphémère de l’empereur Galba (68-69 ap. J-C.) que le territoire des Bodiondiciens ainsi que celui des Aventiciens (de la région de Gap ?) sont rattachés à la Gaule narbonnaise et que, selon Pline, Dinia leur est attribué en tant qu’oppidum, à savoir, au sens romain du terme, d’un chef-lieu qui concentre le pouvoir politique et administratif d’un peuple ou d’une fédération de peuples, dans un territoire donné.
3 Comme, par exemple Papon, J-P.(1777) ; Thierry, A. (1828) ; Garcin, E. (1835) ; Féraud, J.J.M. (abbé) (1844).
4 Cet ethnonyme signifierait « les royaux ».
5 Une autre hypothèse s’est cependant imposée depuis qu’en 1958, G. Barruol, un jeune historien à l’époque, originaire du Vaucluse, avançait l’idée selon laquelle « il faut exclure que les Albici se soient trouvés autour de Riez, contrairement à ce qui a été souvent soutenu : le fait que le nom préromain de la ville de Riez, Alebaece, ait une racine identique à celle de l'ethnonyme Albici, ne saurait prouver que le peuple des Reii ait été une fraction des Albici ». Il arrive pourtant à cette conclusion en mettant, lui aussi, en rapport « la dénomination des Albici avec celle du dieu Albiorix, attesté à Saint-Saturnin d'Apt et peut-être à Montsalier, ainsi qu’avec le nom du plateau d'Albion, à environ 20 km au nord d'Apt ». Selon lui, les montagnes dont parlent César et Strabon correspondraient donc plutôt à la région s’étendant du Luberon, au sud, jusqu’aux des monts de Vaucluse, au nord, habités, selon lui, par des Albiens, qui auraient constitué la majeure partie des Albici cités par Jules César. Plusieurs historiens n’admettent cependant pas ce point de vue sans réserve, comme c’est le cas de J. Gascou et coll. (1997) pour lesquels « il est risqué de se fonder sur la ressemblance de deux ethniques dans une aire géographique où les noms comportant la racine Alb- sont particulièrement fréquents. L'hypothèse de l'existence d'une grande tribudes Albiques comporte un certain nombre d'arrière-plans d'ordre historique qui incitent à la plus grande prudence ».
6 Le terme latin vicus désigne un groupe de maisons et sert à décrire un habitat circonscrit à l'intérieur d'une étendue de territoire, d'un pagus.
LA PÉRIODE GALLO-ROMAINE
De nombreux débris de tegulae (tuiles plates aux bords relevés) et d’imbrices (tuiles semi-cylindriques couvrant les joints entre les tegulae) ont souvent été déterrés au cours des labours. Ces matériaux ont également été retrouvés dans des sépultures mises à jour à divers endroits du plateau, sans qu’il soit toutefois possible, compte tenu de l’absence de mobilier, d’en donner une datation précise. Un labour effectué sur la crête séparant les communes de Puimichel et de Chénerilles a permis de découvrir d’autres vestiges gallo-romains constitués de deux murs à angle droit de 30 à 40 m de côté, au pied desquels ont été trouvés de nombreux débris de tegulae, ainsi que des fragments de poterie rougeâtre (Rolland, 1962).
D’autres fouilles effectuées sur le plateau des Brémonds, au lieu dit la Laouve7,au-dessus de la ferme des Trêmes, ont, elles, permis de dégager les vestiges d’une villa gallo-romaine, avec des amphores, des poteries décorées et des fragments de plaques de marbre blanc, des objets de parure en métal (notamment des fibules servant à agrafer les vêtements), et, à une centaine de mètres vers le sud, des tegulae et des ossements humains, dont un crâne (Bérard, 1977).
7 Ce nom, comme également celui de « Louvière », provient vraisemblablement de éouve, une des formes du nom provençal du chêne vert (yeuse).
AU MOYEN-ÂGE
Les informations manquent également en ce qui concerne le Haut Moyen-Âge. Trois sépultures en bâtière (à savoir avec un toit à deux versants), datées vraisemblablement des Ve-VIIe siècles (Méhu, 2004-2008), ont toutefois été découvertes près de la ferme de Hauteval, dont l’une contenait encore une boucle de ceinturon.
(d’après Rolland, 1962)
Il est vraisemblable également qu’un moutier ait existé, bien avant l’an mil, à l’emplacement de l’actuelle ferme de l’Hôpital. C’est à proximité de celui-ci, comme nous le verrons plus loin, que la commanderie de Puimoisson, de l’Ordre des Hospitaliers (ou Ordre de Malte), fera construire un hospitium (hospitalet) sur l’emplacement occupé actuellement par la ferme du même nom8.
Une dizaine de sépultures en pleine terre ont d’ailleurs été mises à jour près de cette dernière, à proximité de ruines importantes. Elles contenaient chacune un pégau9 à pâte grisâtre, placé à la tête du défunt, permettant de ce fait de les dater du Xe ou XIIe s (Collier, 1959).
8 L’hôpital du moutier (ou moustier : formes anciennes de monastère) n’était vraisemblablement pas réservé à des soins médicaux. Ce type d’établissement, que l’on trouvait dans de nombreux villages durant tout le Moyen-Âge, accueillait surtout les malades pauvres, les infirmes et les vieillards, ainsi que les orphelins et les enfants abandonnés. Il était administré par des moines ou des membres du clergé.
Quant à l’hospitalet (hospitium) voisin, il s’agissait, au Moyen-Âge, de bâtiments où les pèlerins et les personnes de rang social inférieur pouvaient trouver un hébergement dans des dortoirs aménagés à cet effet.
9 Le pégau est une espèce de pichet ventru, en céramique, à bec ponté et à anse attachée sur la lèvre, d’une contenance de 3,8 l environ, qui était utilisé comme unité de mesure médiévale dans l’Europe du Moyen-Âge, et que l’on retrouve parfois dans les tombes de cette époque.
PODIUM MICHAELIS
Ce n’est qu’à la fin du Xe siècle que la communauté des habitants du village se voit imposer un seigneur, à savoir une personne privée, qui va s’arroger le droit d’établir, pour son propre compte, un castrum, consistant en un poste élevé permettant de veiller et de guetter l’ennemi. Celui-ci ne comprenait vraisemblablement, dans un premier temps, comme c’était le cas dans de nombreux lieux élevés de la région, qu’une petite fortification constituée d’une tour entourée d’un rempart polygonal, appelée également «motte», ainsi que leterritoire alentour et la population qui l’occupait, dont les terres produisaient la richesse, et sur laquelle ce seigneur exerçait son «pouvoir de commander et de punir» (Duby, 1962). En ce qui concerne Puimichel, il semble que ce premier maître des lieux se prénommait Michel, donnant ainsi son nom, comme c’était l’usage à l’époque, à Podium Michaelis, «le lieu élevé de Michel»10, tel que celui-ci apparaîtra dans les chartes de la fin du XIIe siècle11.
10 Podio Michaele, en latin médiéval, et Puègmiquèu, en occitan gavot.11 [CSV II, n°978, p. 247] (cité par Thierry, 2011).
11 [CSV II, n°978, p. 247] (cité par Thierry, 2011).
LES PREMIERS SEIGNEURS
Les Puimichel
Plusieurs indications laissent à penser qu’il devait exister, au cours des XIIe et XIIIe siècles, une famille portant le nom du fief qui fut leur berceau. On sait en effet qu’une Delphine de Puimichel († av. 1248), mère de Jacques 1er d’Oraison, était à cette époque dame de La Roquette, situé près d’Entrevaux (voir Godefroid, 2016). De même, un certain Isnardus de Podio Michaelis est cité comme témoin, avec d’autres, dans une charte rédigée à l’Escale en 1189. Et, en 1220, c’est un certain Raymond de Puimichel qui doit renoncer à ses droits sur certains biens situés sous sa juridiction seigneuriale, à la suite d’une sentence arbitrale adjugeant ces derniers au Commandeur des Hospitaliers de Puimoisson. Mais c’est également un Isnard de Puimichel qui est choisi, en 1289, comme otage, avec des membres des meilleures familles provençales, pour prendre la place de Charles II, lors de la captivité de celui-ci en Catalogne.
Les Barras
C’est au cours du XIIIe siècle que ce castrum, au sein duquel la fortification d’origine est devenue un des plus beaux châteaux de la région, va faire partie des nombreuses possessions de la famille des seigneurs de Barras12, de la vallée des Duyes. Cette famille, dont le fondateur, Barras de Barras, a participé à la première Croisade (Albanès, 1895), est effectivement l’une des plus anciennes de Provence et la plus puissante de la région. Ses membres sont qualifiés du titre de «nobles et magnifiques seigneurs» et leur devise est : "Les Barras sont aussi vieux que les rochers de Provence."
12 Entre le XIe et le XVe s, les Barras possèdent jusqu’à 71 seigneuries (un peu moins du tiers des communes de l’actuel département des Alpes-de-Haute-Provence).
Barras
Les Signe
Guillaume de Signe dit le jeune (ca1230-ca1291) est issu d’une branche cadette des vicomtes de Marseille13. En l’épousant, Dauphine de Barras (1240-1291), fille de Barras de Barras, seigneur de St Estève, lui apporte en dot la seigneurie de Puimichel.
C’est de cette union que va naître Delphine de Signe (1284-1360) qui deviendra, après sa mort, la sainte vénérée dans toute la région [voir L’histoire de Delphine et d’Elzéar (Godefroid, 2012)].
Par ailleurs, c’est en 1277 que Pierre Giraud, originaire de Puimichel, qui était le prévôt du chapitre de Riez, est élu évêque de Sisteron. C’est lui qui fait rebâtir et fortifier le château de Lurs, résidence d’été de l’évêché, mais également qui assiste à la translation des reliques de sainte Madeleine à St Maximin, pose la première pierre de l’abbaye de Sainte-Claire de Manosque et prend part, en 1286, au concile de Riez (Albanès,1895). C’est également au XIIIe s. que débute la construction, dans le style roman provençal, de l’église paroissiale, dédiée à Notre-Dame-du-Serre.
Marseille-Signe
13 Son ancêtre était le frère cadet de Guillaume II de Marseille (ca952-1047). Ce Guillaume de Signe, dit le jeune (ou Guillemus de Signa minor), était lui-même le frère cadet de Guillaume III de Signe, seigneur d'Evenes et d’Oioules, qui était surnommé l’aîné ou le majeur (Guillemus de Signa maior), afin de le distinguer de son frère dans les divers actes passés par l’un ou l’autre (Briançon, 1693). Ce dernier épousa, en secondes noces, Mabille de Callian qui était la veuve de Raimon II d’Oraison (voir Godefroid, 2016). Selon Ruffi (1696), un certain Raimbaud, fils de Guillaume de Signe de Puimichel, aurait été également choisi comme otage avec Isnard de Puimichel (voir la remarque précédente), en 1289, lors de la captivité de Charles II en Catalogne. Or, si l’on sait que des deux demi-soeurs de Delphine, l’une, Sibylle, épousera Lambert de Lincel, et l’autre, Alayette, deviendra moniale, on ignore par contre la destinée de ce fils présumé de Guillaume de Signe de Puimichel.
Delphine et Elzéar
Delphine a 7 ans lorsque son père et sa mère décèdent tous deux. Elle hérite, en plus d'une énorme fortune, de huit châteaux parmi lesquels celui de Puimichel, dont le revenu annuel s'élève à 1200 florins, ainsi que de tous les fiefs nobles attachés à ses successions. Ce sont ses oncles, Guillaume de Signe III l'aîné, seigneur d'Evenos, du côté paternel, et Raymond, l’aîné des Barras, seigneur de St Estève, du côté maternel, qui sont nommés en tant que tuteurs. Ils la confient aux religieuses de Ste Catherine de Sorbs, dans la vallée du Verdon. Son séjour au cloître va avoir sur elle une influence décisive. Elle s’y forge notamment une culture religieuse qui va lui donner un grand savoir théologique qui la pousse à vouloir se faire « moinesse ». Pourtant, à l’âge de quinze ans, elle est contrainte d’épouser Elzéar de Sabran, âgé de treize ans. Le mariage est célébré avec faste dans la chapelle du château de Puimichel.
Elle convainc toutefois son époux de faire avec elle un voeu de chasteté qu’ils respecteront tous deux jusqu’à la fin de leur vie.
Sabran
Delphine de Puimichel [statue en bois polychrome (XVIIe s)] (château d’Ansouis)
Elzéar de Sabran (statue du XVIIe s) [sanctuaire de S. Liberatore (Ariano)]
C’est d’ailleurs au château qu’Elzéar rédige le Règlement de Puimichel, un« programme de vie » s’appliquant à tous les nobles et servants y résidant, ainsi que « dix commandements » qui étaient destinés à tous ses vassaux et sujets afin de les aider à lutter contre la liberté des moeurs et la vie dissolue ayant cours à l’époque. Ces règles, réprimant le blasphème et le jeu pour privilégier la charité et la prière, seront également adoptées par plusieurs maisons de la contrée [voir L’histoire de Delphine et d’Elzéar (Godefroid, 2012).]
Elzéar meurt à l’âge de 37 ans à Paris, au cours d’une mission que lui a confiée le comte de Provence et roi de Naples, Robert Ier auprès du roi de France, Charles IV. Quant à Delphine, elle décide, suite à la perte de son époux, de vivre dans la plus extrême pauvreté, après avoir abandonné tous ses biens à ses proches ou au bénéfice des pauvres. Au fil des ans, elle est de plus en plus rongée par la maladie mais termine malgré tout ses jours en 1360, à l’âge de 76 ans, dans les plus grandes souffrances.
Une partie des terres ainsi que le château de Puimichel avaient été cédé à Lambert de Lincel, époux de sa demi-soeur Sibylle, pour la somme de 7000 livres. Il ne va cependant demeurer dans la famille des Lincel que durant une trentaine d’années. Après être passé à Geoffroy, le fils de Lambert et de Sibylle, puis à Mabille, devenue veuve de ce dernier, il est acquis par les comtes de Provence qui possédaient déjà, en domaine direct, une grande partie du territoire de Puimichel, achetée par Charles II à la fin du XIIIe siècle14. L’autre partie, héritée d’Elzéar par son cousin Guillaume de Sabran, revient à l’une des petites-filles de celui-ci, Delphine de Sabran († 1407).
14 Entre le début du règne de Raimond Béranger V (1198-1245) et la fin de celui de Robert Ier d’Anjou (1277-1343), un grand nombre de transactions ont été effectuées par les comtes de Provence. C’est ainsi qu’entre 1292 et 1300, Charles II (1254-1309) avait fait plusieurs acquisitions sur la rive gauche de la Durance, dont Chénerilles et Espinouse, ainsi qu’une grande partie du territoire de Puimichel, et qu’entre 1323 et 1335, Robert Ier avait acheté une part importante du territoire d’Entrevennes et du Castellet (Pécout,2001) [voir Godefroid, 2014].
PRÉSENCE DES HOSPITALIERS ET DES BÉNÉDICTINS
L’Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem a été fondé en 1113 en Palestine, afin de protéger et de soigner les pèlerins se rendant dans les lieux saints. De multiples commanderies vont par la suite s’installer en Méditerranée et en France, dont une, fondée en 1125, qui bâtira son château à Puimoisson15.A la fin du XIIe s, deux habitants de Puimichel, Bertrand Pluine et Raymond de Pierrerue, font don à l’Ordre de terres situées à Saint-Étienne de la Brègue (la partie haute du vallon dans lequel coule le torrent de Puimichel), jouxtant le plantier et le moustier de l’hôpital qui y était déjà implantés16 (voir plus haut), et sur lesquelles il est décidé d’élever un hospitalet (hospitium) (Maurel, 1895-96).
15 Contrairement à celui des Hospitaliers, l’ordre des Templiers, avant sa chute en 1307, ne détenait que peu de biens à l’est de de la Durance, mis à part la commanderie de Sisteron et quelques possessions dans la région de Digne (Fonfrède, Courbons, les Sièyes, Mirabeau, Barras et Tournefort). Quant au château de La Brillanne, la commanderie de Limaye (lieu-dit de la Bastide-des-Jourdans) n’en eut seulement le contrôle que de 1144 à 1203 (Durbec, 2001).
Ordre des Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem (dit de Malte)
Plus tard, en 1366, une mesure d’affranchisement est obtenue auprès du Grand-Maître de l’Ordre, par le Commandeur de Puimoisson, en faveur des habitants de l’Hospitalet qui, de serfs, vont devenir des hommes francs, « avec la faculté de tester librement et de donner leurs biens à qui ils voudront ». C’est ainsi qu’en 1375, Jean Négrel, recteur de la maison de Saint-Etienne de la Brègue, agissant au nom de l’Hospitalet, se fait « passer reconnaissance par les habitants de Chandrilles (Chénerilles), des terres, fours et maisons qu’ils possèdent » sur les terres de ce lieu, dépendant de l’Hospitalet. Au XVIe siècle, ce terroir fournissait 14 charges de froment contre 80 pour le terroir de Puimoisson. En 1789, l’Hospitalet rapportera toujours 240 livres à la commanderie, contre 1325 livres pour le château et les terres de Puimoisson.
Cet agrandissement du territoire de l’Ordre ne va pas sans déplaire aux seigneurs successifs de Puimichel. Dès 1220, Raymond de Puimichel, voulant exercer ses droits sur les biens situés sous sa juridiction seigneuriale, doit y renoncer à la suite d’une sentence arbitrale adjugeant ces biens au Commandeur et confirmant en faveur de ce dernier toutes les acquisitions qu’il pourrait faire à l’avenir (Maurel, 1895-96). Il en ira de même lorsque, en 1312, une sentence arbitrale, rendue suite à une plainte d’Elzéar de Sabran et de son épouse Delphine, accordera à ces derniers un impôt représentant « la vingtième partie des blés et légumes » récoltés par les habitants de l’Hospitalet et de Saint Etienne de la Brègue, mais uniquement sur les terres que ceux-ci possèdent sur le terroir de Puimichel. C’est aussi le cas lorsque, en 1507, Guillaume de Sabran, seigneur d’Ansouis, ayant fait démolir le four du hameau de Saint Etienne de la Brègue, afin d’affirmer ses prétentions sur cette partie du terroir cédée à la Commanderie de Puimoisson, est condamné, par un acte du Parlement, à réintégrer cette dernière en la possession de la juridiction sur ce hameau, qu’elle conservera dès lors jusqu’à la Révolution (Maurel, 1895-96).
Entre temps, l’abbaye bénédictine de St André de Villeneuve-lès-Avignon, fondée en 980, est devenu un établissement religieux si puissant qu’il bâtira et percevra les revenus de plus de 200 prieurés, essaimés le long des vallées du Rhône, du Calavon et de la Durance. À partir du XIIIe siècle, le val de Rancure en abrite deux, à savoir celui de Saint Pierre (1274), situé près du pont du Castellet, et celui de Saint Firmin, sur le territoire de Puimichel, dans le vallon à l’est du Villard. Ce dernier fera l’objet d’un roumavagi (pèlerinage, en provençal) et d’une fête paroissiale en l’honneur de saint Firmin, qui était invoqué pour les maladies des yeux, ce qui amenait les pèlerins à s’asperger les paupières avec l’eau de la fontaine coulant à proximité (Féraud, 1849).
16 Ces biens s’étendaient « du chemin de la Brègue aux champs de Calvaron, au plantier de l’hôpital, au champ de Marc Malamosque et au moustier (mosterium) de l’hôpital »(Arch. des B.-du-Rh., H 865)
DE LA FIN DU MOYEN-ÂGE A LA RÉVOLUTION
La portion du fief de Puimichel et son château dont avait hérité la petite-fille de Guillaume de Sabran, Delphine de Sabran, passe, par le mariage de cette dernière avec Guinot de Simiane (†1386), à leur petit-fils, Jacques Raimbaud de Simiane (ca1404-ca1496), époux de Françoise de St Séverin (Gallian, 2005). Or, la plus grande partie du fief de Puimichel, ainsi que celle du fief d’Entrevennes et du Castellet, détenues par les comtes de Provence sont entre temps cédées, en 1442, par René Ier d’Anjou (1409-1480), à son conseiller et chambellan, Honoré de Berre (1420-1472), seigneur de Thoard et de Courbons, dont la seconde épouse est Hélène de St Séverin, soeur de Françoise.
Les Glandevès
Ainsi, la quasi totalité du fief de Puimichel est apportée en dot par la fille de Jacques Raimbaud de Simiane, Marguerite de Simiane17, nièce d’Honoré de Berre, lors de son mariage, en 1504, avec Marc de Glandevès18 (1480-1535)(Artefeuil, 1776). Ce dernier, dont le père, Honoré, seigneur de Gréoux, fut viguier de Marseille en 1482 et 1485, va ainsi constituer la branche des Seigneurs de Puimichel, Clamensane et Mirabeau, qui perdurera jusqu’à la fin du XVIIe siècle. De ce mariage vont naître :
1. Jean-Baptiste de Glandevès19, en faveur duquel il teste en 1534 ;
2. Hélion de Gandevès qui sera d’abord homme d’église, avant de se faire huguenot et d’épouser, aux Mées, en 1552, Madeleine de Barras, dame de Mirabeau.Il partagera la seigneurie de Puimichel avec son frère, puis avec Gaspard, le fils de ce dernier.
3. Trois autres fils qui seront chevaliers de l’Ordre de Malte, et trois filles, dont Louise, épouse de Nicolas d’Oraison [qui sera condamné à mort pour meurtre, en 1551 (Roure, 1907)].
Les multiples coseigneuries
Durant ce temps, Hélion de Villeneuve, seigneur d’Espinouse, de Tartonne20 et de St Jeannet, avait hérité, en 1477, d’une portion du territoire détenue par Nicolas de Forbin21, le cousin de son épouse, Barbonne de Forbin. Son fils, Pierre de Villeneuve, va acquérir d’autres parties du territoire, cédées, en 1511, par Elzéar, un descendant de Raimond de Bérenguier22. Au cours des deux siècles suivants, les Glandevès partagent ainsi la directe du territoire avec les Villeneuve, mais également avec d’autres coseigneurs, tels que les Orgon, les Vétéris, les Aimar de Pierrerue, les Loques, les Albe, les Aymini, ouencore les Isoard de Chénerilles, qui en détenaient chacun une partie moindre, acquise, héritée ou cédée par l’alliance des familles23. On sait par exemple que l’hôpital faisait partie, au XVIe siècle, des possessions de Joseph d’Orgon, noble et médecin24.
18 Glandèves était une localité d’origine gallo-romaine, située sur l’emplacement de l’actuel hôpital d’Entrevaux. Elle était le siège d’un évêché, avec sa cathédrale qui, suite aux crues catastrophiques du Var et aux guerres civiles du XVIe s, dut se déplacer, avec ses habitants, à Entrevaux. Il ne subsiste plus actuellement que quelques vestiges de la cathédrale, aux abords de cette ville. La fondation de la famille des Glandevès remonte, elle, à Guillaume Féraud, seigneur de Thorame, au XIIIe s, qui avait des droits considérables sur le territoire de Glandèves, dont il prit le nom. Le dernier des Glandevès, Georges François Pierre, né à Marseille en 1768, sera maréchal de camp du roi et s’éteindra en 1832, sans descendant, et la lignée avec lui.
19 Jean-Baptiste de Glandevès était écuyer, un rang détenu par tout individu non titré, mais de noblesse ancienne.
20 Le fief de Tartonne, du val de Barrême, dont ces Villeneuve furent des coseigneurs au cours des XVIe et XVIIe siècles, appartenait, depuis le XIIIe s, à la famille des Trimond qui continueront à en être les seigneurs jusqu’à la Révolution, le dernier d’entre eux étant Henri-Joseph Gabriel de Trimond, également seigneur de Puimichel.
21 Ce dernier était le fils de Palamède de Forbin, autre conseiller du roi René, puis gouverneur de Provence, sous Louis XI.
22 Ce Raimond, qui avait acquis des terres à Puimichel, dès 1386, faisait sans doute partie de la famille des Bérenguier, originaires d’Arles, dont des membres ont notamment été coseigneurs de Château-Arnoux, aux XIVe et XVe siècles, ou encore, à diverses époques, seigneurs de Morges, de Montfroc, ou de Beaudument (Maurel, 1889). Ses descendants agrandiront encore leurs possessions puimicheliennes jusqu’à la moitié du XVIe s (Isnard, 1913).
23 À partir du XIIIe siècle, on va en effet assister à une prolifération de coseigneuries dans les zones à proximité de Digne, Moustiers et Riez. C’est ainsi, par exemple, que sur le fief d’Aiglun, qui ne comportait que 46 feux, en 1315, on dénombrait 14 coseigneuries, ou que, sur celui de Saint-Jurs, comptant 121 feux, coexistaient 11 coseigneurs (Pécout,2001).Cette situation n’était toutefois pas exempte de tensions. Ainsi, en ce qui concerne Puimichel, le fait que Guillaume de Sabran tienne à affirmer ses prétentions sur une partie du hameau de Saint Etienne de la Brègue, en 1507 (voir page 7), semble indiquer que cette famille estimait avoir encore des droits, à cette époque, sur certaines terres. Le jugement du Parlement, rendu à cette occasion, indiquera qu’il n’en était rien.
24 Les Orgon sont, au départ, une famille de marchands, originaires de Pertuis, qui acquerront la qualité de noble par l’alliance de René d’Orgon, en 1482, avec Magdeleine de Bérenguier, fille et héritière de Pierre, coseigneur de Puimichel [et donc, soeur d’Elzéarde Bérenguier, dont Pierre de Villeneuve avait acquis la part des terres que celui-ci détenait encore dans ce fief (voir la remarque 17 )].
LA VIE DE LA COMMUNAUTÉ
En 1315, un recensement, ordonné par Robert Ier, comte de Provence, révèle entre autres que Puimichel compte 122 feux, à l’époque (Coulet, 2008)25.
Le pouvoir féodal attribuait au seigneur la directe universelle de son territoire, ainsi que la haute, moyenne et basse justice. Il concédait aux vilains de la communauté26 l’usufruit de parcelles à cultiver de son terroir, en échange du paiement annuel d’un cens, et après la fixation d’un droit de tasque (à savoir la redevance proportionnelle à la récolte) ou de lods (c’est à dire le droit de perception lors de la cession d’un bien). Il s’y ajoutait, entre autres, des droits de péage, et de banalité des moulins (1/40e durant six mois et 1/30e pendant les six autres) et des fours (1 pain sur 38).
Le pouvoir communal était par contre extrêmement limité. Dès le XIIIe siècle, la communauté [dite université (du latin médiéval universitas)27] sera gérée par des syndics et un conseil, puis, à partir de 1560, par des consuls nommés annuellement. Ceux-ci étaient notamment chargés de recruter les gardes, les peseurs, les médecins, les sages-femmes et les instituteurs chargés de fournir aux enfants des éléments de grammaire, d’arithmétique, de géographie et d’histoire. Le village comptait divers artisans, dont plusieurs maréchaux-ferrants et un tisserand, une activité qui sera reprise plus tard, et poursuivie jusqu’à la fin du XIXe siècle, par des membres de la famille Armelin.
Le blé était moulu par le moulin à vent situé sur les aires caladées, à même lesquelles il était foulé, ainsi que par le moulin à eau, implanté dans le quartier du Grand Pré, au bord du torrent de Puimichel, en aval de l’actuelle distillerie. Le four banal, lui, se situait à l’emplacement de la Remise, en haut du village. Un moulin à huile se dressait sur la place en face de l’actuel château. Il sera remplacé, comme nous le verrons plus loin, par celui qui sera installé dans les caves de ce dernier, lors de sa construction, au XVIIIe siècle.
Quant aux auberges, elles étaient nombreuses et servaient également de lieu de réunion, mais aussi de tripots dans lesquels les cultivateurs venaient le plus souvent engloutir leurs économies.
L’hôpital recevait les malades indigents, soignés gratuitement par l’hospitalière et même, à certaines époques, par un chirurgien, tous deux nommés et payés par le conseil28.
On note, à plusieurs reprises, la présence d’un notaire, établi dans le village. À ce propos, les archives notariales font notamment état d’un contrat passé, en 1540, pour un montant de 850 écus29, par les syndics de l’université de Puimichel et les procureurs constitués par cette dernière, avec un fontainier de Manosque, maître Jehan Claret. Ce dernier se chargeait de capter et de conduire les eaux des différentes sources du lieu dit au Villar (où se situe encore aujourd’hui la ferme du même nom) jusqu’au puits du village (soit près de 3 km à vol d’oiseau). Les travaux comportèrent le creusement de tranchées de 1 mètre de largeur et de 1 mètre de profondeur, débouchant tous les trois cents mètres sur un réservoir muni d’une voûte en pierre de taille, et dans lequel l’eau était amenée par des tuyaux vernis. Le fontainier garantissait les travaux pour une durée de trois ans (Collier, 1951).
25 Ce qui représente une population de 570 âmes environ, si l’on utilise la façon de calculer proposée par Baratier (1961).
26 Contrairement aux serfs qui étaient attachés à la terre et vendus avec elle, les vilains étaient libres et pouvaient se marier et quitter le territoire à leur gré.
27 De universus = « tout entier, général » et du suffixe –itas.
28 Un certain Jean-Baptiste Barras sera le dernier chirurgien à être nommé par la communauté de Puimichel, avant la Révolution, pour une durée de six ans. Ses gages annuels étaient de 150 livres29. Il s’agit là d’un travail considérable pour une somme qui ne l’était pas moins, si l’on sait qu’une charge de blé (128 kg), par exemple, valait en moyenne, en ce début du XVIe s, entre 1 et 2 écus.
LES GUERRES DE RELIGION
Depuis sa fondation, en 1525, l’église luthérienne avait fait de nombreux disciples dans la région.
Les doctrines nouvelles avaient en effet été introduites plus ou moins secrètement dans les villes et les villages, amenant plusieurs gentilshommes et leur famille,mais également beaucoup de gens du peuple, à se convertir.
Les premiers adeptes avaient été les Vaudois30, originaires de vallées piémontaises, qui s’étaient établis dans plusieurs villages du Luberon, depuis le début du XVIe siècle, à l’invitation des seigneurs locaux cherchant à repeupler leurs terroirs et à les remettre en valeur. Cette adhésion à la Réforme entraînera rapidement une répression violente de la part de l’Inquisition, ainsi que de plusieurs évêques, dont ceux d’Apt et de Cavaillon, mais également de juges et de seigneurs se livrant à force rapines et violences, en toute impunité. Les Vaudois décideront toutefois de sortir malgré tout de la clandestinité pour constituer, à partir de 1559, les premières « Eglises dressées », c'est-à-dire possédant des consistoires, en s’inscrivant ainsi définitivement au sein du protestantisme de Provence.
Selon Boule (1647), la Provence comptait une soixantaine de ces églises en 1560, dont quelques-unes avec un pasteur à leur tête, comme à Puimichel qui était, dans la viguerie de Digne, une des trois paroisses dans ce cas, avec Digne et Espinouse31.
Comme nous l’avons vu plus haut, un des fils de Marc de Glandevès, Hélion, seigneur de Puimichel, avait lui-même embrassé publiquement la religion réformée et avait en effet fait venir, en 1561, Georges Cornelli (Corneille), un« ancien moine augustin de Sainte-Marie et de Camaret », primitivement pasteur «au pays de messieurs de Berne» », afin de desservir l’église du village.
Toutefois, celui-ci jugeant le lieu trop petit pour y implanter une communauté importante, préféra, après quelque temps, aller exercer son action dans l’église d’Orange qui s’engageait, en retour, à faire venir de Genève, et à ses frais, un pasteur pour Puimichel (Arnaud, 1884). Cette promesse n’ayant pu être tenue, ce pasteur se vit obligé de revenir dans son ancienne église32.
Il mourra, « massacré », au début de juillet 1562, à Saint Auban33. En réaction à l’expansion de la nouvelle religion, des affrontements avaient en effet été déclenchés entre catholiques et protestants, et la répression de part et d’autre sera souvent des plus barbares
En Provence, tout commence en 1559, suite à un incident violent se déroulant à Castellane.
Antoine et Paulon Richieud de Mauvans, ayant fait venir un ministre luthérien chargé de faire des prêches publics, sont agressés par des habitants de Castellane qui dévastent le lieu de culte et leur demeure.
30 On n’est pas tout à fait sûr qu’il existe une filiation entre ces Vaudois et les Pauvres de Lyon, un mouvement remontant aux alentours de 1170, dont ils auraient maintenus les principes édictés par un certain Valdès. Ce dernier était un riche bourgeois lyonnais qui décida de faire traduire de larges extraits de la Bible, du latin en franco-provençal. La découverte des textes bibliques l’amenèrent à changer de vie et à distribuer ses richesses pour se consacrer à leur lecture publique et à leur commentaire, allant ainsi à l’encontre des principes de l’Eglise catholique et de l’autorité des évêques. Son mouvement est définitivement déclaré hérétique par le concile de Latran, en 1215.
31 Celles des Mées et de Thoard n’étaient constituées, à cette époque, que de protestants se réunissant entre eux. Ce n’est qu’en 1584, que les protestants des Mées auront « un ministre, un temple et un local destiné à la sépulture de leurs morts »(Esmieu, 1803).
32 Suite également à une lettre envoyée, en octobre 1561, à Genève, par les anciens de l’église de Puimichel et le seigneur d’Espinouse.
33 Il s’agit peut-être d’un hameau, proche de Château-Arnoux, dont il ne subsistait plus qu’un jas et une chapelle, au début du XXe s, avant le développement d’une usine et d’un village, à cet endroit, en 1916. C’est d’ailleurs de Château-Arnoux que, en 1562, le comte de Sommerive et les troupes catholiques s’apprêtaient, comme nous allons le voir, à entreprendre le siège de Sisteron, dont s’étaient emparés les protestants (Arnaud, 1884). Mais il s’agit plus probablement de Saint-Auban, dans la Drôme, dont Gaspard Pape, ainsi que de nombreux seigneurs de la région, avaient également embrassé la Réforme, vers 1560, au point « qu’il y eut finalement dans celle-ci plus de protestants que de catholiques ». Il se peut donc que ce soit au cours d’une visite dans ces lieux que le pasteur Corneille succomba, lors d’une rixe entre factions ou au cours d’une bataille.
En réaction, Antoine et quelques centaines de religionnaires vont saccager un couvent et des églises de la région, avant de déposer une plainte, devant le Parlement.
Reconnu à Draguignan, il est lynché par des enfants, et son corps, salé, est transporté à Aix, afin d’être pendu puis brûlé, pour l’exemple. Afin de venger son frère, Paulon, nommé chef général des protestants de Provence, va rassembler 2000 hommes, à Mérindol, et déclencher un soulèvement.
La première des guerres de religion est déclarée en Provence, avec les atrocités qui l’accompagnent, et va enflammer le sud de la France et se prolonger durant sept autres conflits qui se succéderont jusqu’à 1590.
C’est ainsi qu’en 1562, la ville des Mées est saccagée par la troupe de Richieud de Mauvans, qui avait été appelé par les protestants du lieu, se jugeant outragés par les catholiques. D’autres villes seront occupées par eux, dont Sisteron, qui sera reprise par le comte de Sommerive, avant d’être reconquise par les protestants, en 1567, au cours de la deuxième guerre, puis rendue l’année suivante, à la suite de la paix de Longjumeau. Même si les persécutions se poursuivent, les conflits, eux, vont s’estomper durant les années suivantes, pour reprendre de plus belle, au cours de la cinquième guerre (1574-1576).
Plusieurs seigneurs, dont la plupart des nobles de la région, avaient cherché, dans un premier temps, à rétablir le dialogue en se ralliant au parti des « Politiques »34. Toutefois, devant l’incapacité d’y parvenir, ce dernier dut se résoudre à faire alliance avec les protestants, après 1574, pour fusionner dans le parti des confédérés, et prendre une part active aux combats35. En ce qui concerne les seigneurs de Puimichel, c’est Joseph de Glandevès, cinquième fils d’Hélion, qui s’illustrera au cours de cette période36.
Les affrontements qui se produisent au cours des années 1574 et 1575 auront pour conséquence la destruction, sur les ordres de Carcès, qui a remplacé Sommerive à la tête des troupes catholiques provençales après la mort de ce dernier, des châteaux de plusieurs de ces nobles, dont notamment ceux des Mées, d’Espinouse et d’Oraison, ainsi que celui de Puimichel, dominant le village (Esmieux, 1803 ; Lambert, 1870).
A partir de 1577, des dissensions et des rivalités d’influence se font toutefois jour parmi les chefs des confédérés, notamment entre François d’Oraison et Nicolas du Mas de l’Isle, qui vont entraîner une certaine lassitude parmi les combattants et la perte de nombreuses places. En 1583, il ne reste plus aux mains des religionnaires que Seyne-les-Alpes et la Bréole.
Une amnistie générale est proposée en 1586, qui amène François d’Oraison et d’autres chefs huguenots à abandonner la lutte et à revenir au catholicisme. La chute de Seyne et de la Bréole (1586) marque le terme des guerres de religion, proprement dites, en Provence.
L’assassinat du duc de Guise, en 1588, puis celui d’Henri III, en 1589, laissent la voie libre vers le trône à Henri de Navarre. Tous les chefs militaires royalistes du sud de la France, le catholique la Valette, en Provence, ainsi que les huguenots Lesdiguières, dans le Dauphiné, et Montmorency, en Languedoc, se regroupent pour attaquer les ultra-catholiques de la Ligue catholique provençale, toujours conduits par Carcès et Hubert de Vins, qui ont entre temps fait appel à Charles-Emmanuel, le puissant duc de Savoie.
Digne, ville ligueuse, est attaquée à plusieurs reprises par les royalistes. En novembre 1591, les troupes de La Valette et Lesdiguières s’en emparent après avoir bombardé Notre-Dame du Bourg et les remparts. Lesdiguières retourne en Dauphiné et n’en reviendra qu’à la suite de sa nomination en tant que commandant général des troupes, en février 1592.
Entre temps, les combats se poursuivent dans toute la Provence, avec notamment, dans la région, la reprise d’Espinouse, la prise de Bras d’Asse puis le siège de Beynes, menés par La Valette, cantonné à Mézel, avant l’occupation et la fortification de Manosque, assiégée par le duc de Savoie.
Henri IV est sacré en 1593.
La t qu’à la suite de 36 années de luttes, de ravages et de massacres que l’Edit de Nantes est signé en 1598, qui met fin à la huitième de ces guerres dans lesquelles religion et politique s’étaient si souvent trouvées intimement mêlées.
Toutefois, cet édit, qui devait assurer des garanties efficaces et durables à la liberté de conscience, instaurait de fait un État catholique dans lequel le protestantisme n’était que toléré, et de plus en plus défavorisé.
L’adhésion au protestantisme de plusieurs des Glandevès de Puimichel se maintiendra malgré tout jusqu’au début du XVIIe s, comme c’est le cas pour le dernier fils d’Hélion de Glandevès, Hélie, seigneur d’Ajonc37, qui se distinguera particulièrement en tant qu’ancien38 de l’église réformée de Puimichel. A ce titre, il sera en effet l’un des deux députés de Provence au synode national de Saint-Maxent, en 1609, et à celui d’Alais, en 1620, ainsi qu’à l’assemblée politique tenue à Saumur, en 1611 (Arnaud, 1884).
Suite à l’assassinat d’Henri IV, en 1610, le duc de Rohan est écarté de la cour et devient le chef du parti protestant, en opposition au cardinal de Richelieu. Les rébellions huguenotes qui s’ensuivent se soldent par la Paix d’Alès, en 1629. Entretemps, Annibal de Glandevès, seigneur d’Ajonc à la suite de son père, Hélie, avait adhéré au parti du duc de Rohan. Il sera arrêté, lors d’un soulèvement en Languedoc, et conduit à Aix où il est condamné à mort pour crime de lèse-majesté. Il sera exécuté dans cette ville, le 11 mai 1628 (Roure, 1907).
Thoard, Espinouse et Puimichel qui formaient encore une église, en 1620, verront cette dernière disparaître comme église distincte, avant la fin du XVIIe s.
Particulièrement hostile à la religion réformée, Louis XIV va imposer une politique de persécution, en multipliant notamment les dragonnades39, à partir de 1681, pour forcer les familles protestantes à se convertir. Lors de la révocation de l’édit de Nantes, en 1685, Puimichel ne comptera plusque trois familles réformées qui seront alors obligées d’abjurer leur foi ou de s’expatrier.reddition de Marseille, favorable à la Ligue, n’adviendra qu’après l’assassinat de son Ier consul Casaulx, en 1596.
34 Il s’agissait d’un parti qui se constitua en 1568, après le déclenchement de la troisième guerre, pour s’unir au parti des protestants, à partir de 1574 et du déclenchement de la cinquième guerre.Il était composé d’un certain nombre de gentilshommes catholiques influents, irrités par la façon dont était menée la conduite de l’Etat par Catherine de Médicis, ainsi que par les violences et les persécutions dont les protestants faisaient l’objet (notamment lors de la Saint-Barthélemy), ou encore par le maintien dans une sorte de captivité des princes Henri de Bourbon (futur Henri IV) et son cousin, Henri de Condé. Si, au niveau national, il avait à sa tête les trois frères de la maison de Montmorency, les chefs provençaux en étaient le chevalier de Saint-Estève, et son frère, le seigneur d'Auzet ; Honoré de Grasse, seigneur de Tanaron, et son frère, Antoine de Grasse, seigneur de Montauroux, ainsi que François, baron d'Oraison.
35 Ces politiques s’alliaient ainsi à Nicolas du Mas de l'Isle, baron d'Allemagne, chef des protestants de Provence et à ses lieutenants, Timothée du Mas de l'Isle, son frère ; Thadée de Baschi, sieur d'Estoublon, frère du chevalier de Saint-Estève ; Claude de Villeneuve, baron de Vence ; Scipion de Villeneuve, seigneur d’Espinouse, Jean de Villeneuve, baron des Tourettes ; Louis de Vintimille, seigneur de Montpezat, ainsi que l’aventurier l'Espagnolet, et plusieurs autres.
36 Il sera tué d’un coup de mousquet, en 1586, devant Briançon, alors qu’il combattait aux côtés de Lesdiguières, un des chefs protestants (Roure, 1907).
37 Ce titre indique donc que le hameau des Ajoncs et son territoire (qui sera rattaché à Entrevennes après la Révolution) avait été érigé en fief, en faveur d’Hélie de Glandevès, « cadet de Puimichel » (Arnaud, 1884).
38 Responsable d’une église locale.
39 Les dragonnades consistaient à persécuter les communautés protestantes, en forçant notamment les réformés à loger les hommes de troupe et à satisfaire toutes leurs exigences.
LA PESTE ET AUTRES ÉPIDÉMIES
Tout comme les autres contrées, celle de Puimichel a été frappée à plusieurs reprises par la peste. S’ajoutant aux guerres civiles et aux désordres de toutes sortes, ces épidémies contribueront à plusieurs reprises à entraîner une diminution drastique de la population, comme c’est par exemple le cas au cours des XIVe et XVe siècles, où celle-ci va passer de 122 feux de queste40 en 1315 à 49 feux en 1471.
Comme dans toute l’Europe, où elle décimera les deux-tiers de la population entre 1347 et 1353, la peste noire de Marseille frappe durement le village.
C’est encore le cas, en 1506, lorsque l’épidémie touche plusieurs des habitants, et que toute communication avec Puimichel est interdite aux habitants des Mées (Esmieux, 1803).
Il en ira encore de même en 1580, à la suite de la propagation du bacille apporté à Cannes par un navire, puis entre 1628 et 1630, qui vit la décimation du village voisin de Chénerilles, en 1640 et 1643, et à nouveau en 1720. Lors de cette dernière épidémie, des mesures sont prises qui permettront d’en éviter la propagation.
On construira, à cette occasion, un nouveau portail (peut-être la porte Rouge qui commandait l’entrée sud-ouest du village, entre l’arrière de l’église et l’actuelle maison Armelin), et on entourera le village d’une palissade de buissons, alors qu’un contingent d’hommes sera envoyé aux postes de la Durance et du Verdon, ainsi qu’au blocus de Gaubert (Maurel, 1925).Il ne semble pas toutefois que les épidémies de choléra, et notamment celle qui a touché la région de Manosque en 1832, aient fait des victimes à Puimichel.
40 La queste (ou taille) était un impôt levé lors de la chevalerie du comte ou de son fils, du mariage d’une de ses filles ou encore, entre autres, lors du départ en croisade ou de la rançon du seigneur. Elle touchait 80% de la population (les pauvres en étant exemptés), recensée par feux [c.à.d. par groupes de personnes vivant ensemble (4 à 5 en moyenne en milieu rural, selon Baratier (1961)]. On peut donc évaluer que la population de l’époque, selon les méthodes proposées par Baratier, est ainsi passée, à l’époque, de 660 à environ 265 habitants.
AU XVIIe SIÈCLE
Le XVIIe siècle voit la réunion des possessions de la famille des Glandevès et de celles des Villeneuve. Le fils de Jean-Baptiste de Glandevès, Gaspard, épouse en effet Diane de Villeneuve, et un des fils de ce dernier, Jean, s’unira à son tour à Marie de Villeneuve, fille de Gaspard de Villeneuve, seigneur de Clamensane. Ceux-ci auront à leur tour un fils, Joseph de Glandevès, décédé et enseveli à Puimichel en 1729, après avoir institué pour héritière, sa petite-nièce, Elisabeth de Bertatis41.
Par ailleurs, si le mariage de Lucrèce de Glandevès, petite-fille d’Hélion, avec Henri de Villeneuve-Tourettes, en 1600, n’a pas laissé d’héritier mâle, celui contracté par ce dernier, en seconde noces, avec Marguerite de Bonne, donnera notamment naissance à Joseph de Villeneuve, seigneur de Calian, Clumans et Puimichel (Briançon, 1693). Du mariage de ce dernier, en 1695, avec Judith Le Gouche, fille des seigneurs de Saint Etienne, originaires de Hollande, naîtront quatre enfants, dont Marguerite, qui deviendra surintendante de la maison de la reine, et Joseph, l’aîné, marquis de Villeneuve, décédé en 1767, qui sera le dernier représentant de cette famille de coseigneurs de Puimichel.
C’est à Honoré de Glandevès que l’on doit la décision, en 1670, de construire la chapelle en l’honneur de saint Elzéar, sur la butte recouvrant les ruines du château. Celle-ci deviendra très vite le centre de manifestations religieuses importantes, liées au culte des deux saints.
Hauteval (dénommé Auteval à l’époque), constitue un fief distinct, pour lequel Annibal de Séguiran, seigneur d’Auribeau, rendra hommage au roi en 1597. Ses descendants le conserveront jusqu’en 1644, avant qu’il ne devienne la propriété des Augier jusqu’en 1719, puis de la famille de Mongé, qui le cèdera aux Trimond, en 1756.
D’autre part, c’est suite à l’obligation faite aux communes, par l’édit de 1696, d’enregistrer leurs armoiries, que seront vraisemblablement créées celles de la communauté de Puimichel :
«de gueules, à une montagne d’argent, surmontée de trois coquilles d’or en chef»
Blason de Puimichel
dans lesquelles, si la montagne évoque, bien sûr, le podium reconnu depuis le temps des Romains, et si la couleur argent de cette dernière, symbolisant, en héraldique, la blancheur, l’humilité et la virginité, rappelle peut-être ainsi la vie des deux saints, en hommage auxquels la chapelle venait d’être bâtie au sommet du village, les coquilles d’or symbolisent, elles, la fécondité et la prospérité42.
41 Celle-ci est en effet la petite-fille de Claude Bertatis, seigneur de Mauvans, qui avait épousé, en 1693, Honorade de Glandevès, descendante de Gaspard par son père et d’Hélion par sa mère.
42 La réalité est sans doute toute différente, lorsque l’on sait que les armoiries de la Rochette, près d’Entrevaux, dont les Oraison avaient été les seigneurs aux XIIIe et XIVe siècles (voir Godefroid, 2016) ainsi que les Glandevès du XIIIe au XVe siècle (Baratier etcoll., 1969), ne diffèrent de celles de Puimichel que par la présence de trois étoiles d’or en chef, au lieu des trois coquilles qui figurent sur celles de la communauté de ce dernier.
LES DERNIERS SEIGNEURS DE PUIMICHEL
Il est toutefois peu vraisemblable qu’en l’absence de château, ces seigneurs aient résidé à Puimichel de façon permanente. Il faudra attendre le XVIIIe siècle pour que deux nouvelles familles nobles, celle des Trimond et celle des Coriolis, s’établissent à Puimichel, et fassent, chacune, bâtir leur demeure au centre du village.
Trimond
Les Trimond
Les origines de la famille de Trimond remontent au XIIIe siècle, avec une branche languedocienne et une branche provençale. Cette dernière a pour auteur, Alphonse, seigneur de Tartonne et de la Penne (Lainé, 1850).
C’est un de ses descendants, Antoine, capitaine gouverneur de Seyne puis député auprès de la cour du roi, qui vient s’installer aux Mées, à la fin de sa vie43. C’est, par ailleurs, une de ses deux filles, Louise, qui épouse, en 1556, Paul (ou Paulon) de Richieud, seigneur de Mauvans, originaire de Castellane, qui deviendra l’un des chefs du parti huguenot (voir plus haut)44. Son petit-fils, Thomas, a lui-même deux fils :
1. Antoine II, qui lui succéde ; et
2. Léon de Trimond45, qui sera nommé chanoine de l’église cathédrale de Nîmes,en 1590, mais qui avait auparavant été notamment l’auteur de deux célèbres harangues sur l’extrême misère à laquelle avaient été conduits les habitants, « par les dépenses énormes de la guerre et la méchanceté des hommes d’armes » (Esmieux, 1803).
Les successeurs d’Antoine II prennent bientôt une telle importance dans la ville des Mées, qu’Honoré de Trimond va tenter, en 1642, d’en assurer la directe universelle, avec l’affranchissement de ses biens et des contributions publiques. La réaction des habitants est toutefois si hostile à ce projet, que leur fureur se porte sur sa maison dont les portes et les meubles sont brisés et ses effets précieux ainsi que ses manuscrits sont détruits, amenant Honoré de Trimond à porter plainte auprès du roi Louis XIV. En guise de jugement, le conseil privé royal autorisera la ville à lui retirer la directe universelle, moyennant la somme de 26.000 livres en guise de remboursement (Esmieux, 1803).
La branche de Puimichel est une branche cadette, issue d’Emeric, un des petits-fils d’Honoré. C’est en effet le fils aîné d’Emeric, Louis de Trimond, qui en épousant, en 1704, Catherine d’Aymar de Pierrerue, veuve de Jean de Glandevès, seigneur de Puimichel, prend possession des territoires de Puimichel, détenus par les Aymar depuis la moitié du XVIIe siècle.
Par ce mariage, Louis devient ainsi seigneur majeur de Puimichel.
Après la mort de Catherine d’Aymar, il épouse, en 1717, Anne de Thomassin. La famille viendra s’installer dans le village, à partir de 1736, après y avoir fait transformer le château qui existe toujours sur la place du village46.
Ils auront sept enfants, dont le haut et puissant Henri-Joseph Gabriel de Trimond (1720-1789), comme il était dénommé, qui va entreprendre une politique de regroupement des territoires autour de Puimichel, par rachat ou échange. C’est ainsi notamment qu’un des derniers coseigneurs de Puimichel, Jean-Dominique de Mongé, va lui céder les terres du fief de Auteval, en 1756, mais également celles de l’Hôpital, que son grand-oncle, Gaspard de Mongé, seigneur du Caire, avait rachetées, en 1690, à Jean-Joseph d’Orgon, le dernier coseigneur de Puimichel représentant de cette famille. Les rapports entre le seigneur de Trimond et les habitants étaient loin, semble-t-il, d’être des plus cordiaux. Il paraîtrait d’ailleurs que, pour se rendre à l’église, celui-ci évitait de traverser la place, et que, pour assister à l’office, lui et sa famille empruntaient un couloir sous les toits, qui communiquait avec un passage surmontant la porte Rouge, pour déboucher directement dans la chapelle des seigneurs.
43 Esmieux, lui, parle d’un certain Claude (qu’il désigne comme étant le père d’Antoine,mais qui n’est pas présent dans la généalogie établie par Lainé) qui serait venu s’installer aux Mées « pour y exercer la profession de notaire ».
44 Ce n’est que l’année suivante que Paulon et son frère Antoine vont adhérer aux doctrines de la religion réformée, qui avaient été introduites secrètement dans la ville de Castellane, en 1557 (Arnaud, 1886).
45 Tel que dénommé par Lainé. Esmieux, lui, l’appelle Elion.
46 Il est probable en effet qu’il s’agit plutôt de l’aménagement d’une première construction érigée par les Glandevès, au XVIIe siècle, après la destruction du château primitif.
Coriolis
Les Coriolis
La famille de Coriolis, elle, est originaire d’Italie, mais est installée en Provence depuis plusieurs siècles. Jean de Coriolis, après son mariage avec Marguerite de Villeneuve, viendra s’établir à Aix-en-Provence où il deviendra député de la ville et du Pays de Provence, en 1511.
Honoré II, dit Baron Corbières, devient plus tard l’auteur de la branche cadette des Coriolis d’Espinouse, suite à son mariage, en 1622, avec Elisabeth, la dernière descendante des Villeneuve d’Espinouse, et voit son domaine érigé en marquisat en 1651.
C’est un de ses descendants, Joseph de Coriolis, qui, suite à son mariage, en 1735, avec Elisabeth de Bertatis, héritière des Glandevès, vient s’installer à Puimichel où il possédait déjà quatre bastides, à savoir Lagath, la Rochette, Lantelme et la Bastide neuve, dans le quartier de St Firmin. Il fait construire son château en arrière de l’actuelle mairie, et sa terre sera érigée en marquisat, en 1745.
Son fils, Elzéar-Joseph, épouse en première noces Françoise-Paule de la Tour du Pin, en 1756, dont il aura deux fils, qui embrasseront tous deux la carrière ecclésiastique.
Les relations entre les deux familles sont relativement tendues. Elles seront notamment émaillées de procès portant sur le bornage des propriétés ou l’élagage de haies, mais également sur la préséance et les places occupées sur le banc des seigneurs, dans l’église paroissiale. C’est d’ailleurs un acte notarié qui établira définitivement la répartition des places entre les deux familles, attribuant le côté de l’évangile aux Coriolis et le côté droit, celui de l’épître, aux Trimond. Les soucis financiers forceront peu à peu Elzéar-Joseph de Coriolis à céder à son voisin des biens et une part de ses droits de corvées, de fournage dans le four banal, ou encore de pulvérage47.
De son second mariage, en 1781, avec Marie-Gabrielle de Foresta, il naîtra deuxfilles, dont Marie Gabrielle qui épousera, en 1788, Pierre de Montblanc. Le marquis de Coriolis s’éteint en 1788.
Quant à Henri-Joseph Gabriel de Trimond, il décède en 1789, en laissant, lui aussi, deux filles, dont l’une, Luce Guillemin, qui s’était mariée à Avignon, et l’aînée, Marguerite Dorothée, qui avait épousé, en 1780, Antoine de Fauris de Noyer, président du Parlement d’Aix48. Il leur laisse, à sa mort, outre ses biens dans le village, dont le moulin des Basses-Aires, les fermes de Hauteval, du Villard, des Allemands, de Loreville, de Tartonne, du Rouit, des Trêmes et des Pardigons, ainsi que la Bastide neuve.
47 Il s’agit là d’un droit perçu sur les troupeaux étrangers qui passaient sur les terres du seigneur, en soulevant de la poussière, d’où le nom.
48 C’est par erreur que l’abbé Féraud (1844) donne le nom de Thoron à la dernière famille à laquelle appartint la seigneurie de Puimichel.
L’ÉPOQUE CONTEMPORAINE
LA RÉVOLUTION DE 1789
Les plaintes formulées sur le cahier de doléances rédigé par la communauté de Puimichel, en vue de la réunion des États généraux qui allait se tenir à Versailles en mai 1789, reflètent bien l’exaspération des Puimicheliens vis-à-vis des excès dont les seigneurs s’étaient rendus coupables.
Les revendications qui y sont formulées portent en effet principalement sur « la quantité de droits seigneuriaux qui sont insolites et extraordinaires, à l'occasion desquels la communauté et ses habitants ont de tous temps été fatigués par des procès ruineux,… ». Aussi, « ils sollicitent la suppression de tous les dits droits(…) et « demandent encore de rentrer dans la possession des fonds, des eaux et de tous les objets dont les seigneurs se sont emparés sans titre, dans l'usage de tous les bois et pâturages, et généralement de tous droits dont ils ont été injustement dépouillés».
Lorsque la Révolution éclate, Puimichel se retrouve sans seigneurs, étant donné le décès de ces derniers. On peut donc imaginer que, durant les évènements qui vont bouleverser le pays, les deux châteaux ont dû subir, en l’absence de résident, d’importantes déprédations.
Aux pillages par la population va par ailleurs s’ajouter la Grande Peur de l’été, à l’annonce de l’arrivée de brigands armés, en provenance de Manosque. Le 21 décembre 1789, la communauté de Puimichel nomme un expert chargé, selon le décret de l’Assemblée nationale du 26 septembre, d’encadastrer tous les biens privilégiés. Le 15 mars 1790, un décret déclare l’abolition des droits féodaux, notamment ceux concernant la banalité des moulins et du four, qui deviennent rachetables par la commune.
Par ailleurs, suite au démembrement du diocèse de Riez, dont dépendait la paroisse de Puimichel, cette dernière est rattachée au diocèse de Digne. En ce qui concerne l’assermentement de fidélité à l’Etat et d’acceptation de la Constitution civile, votée le 12 juillet 1790, qui est demandé aux membres du clergé, au début de 1791, on note, dans un premier temps, que celui-ci est largement accepté dans les Basses-Alpes. Mais les réprobations de Rome, émises en mars et avril 1791, et la répression qui s’ensuit, vont bientôt rendre perplexes plusieurs prêtres des paroisses environnantes, et les amener à se rétracter.
À Puimichel, toutefois, le curé Jean-Paul Blanc ne se rétractera pas et restera en place bien au-delà du concordat de 1801 (Monard, 1989).
En 1792, est fondée, à Puimichel, une société populaire et patriotique, affiliée à celles de Digne et de Manosque et, par elles, au club des Jacobins de Paris. De ces sociétés, créées également dans de nombreuses autres communes, naît la compagnie des Sans-Culottes et son comité de surveillance, chargé des dénonciations, qui va parfois terroriser le pays (Alphand, 1989 ; Aubert, 1884).
Puimichel au XVIIIe s. Sur cet extrait de la carte de Cassini (1797) figurent le moulin à vent, en activité, mais également la chapelle Saint Elzéar dont l’importance, à l’époque, est soulignée par la dimension de sa représentation (par rapport à celle du village).
DE LA RÉVOLUTION AU XXe SIÈCLE
À partir de 1795, les terres des Trimond, qui ont été données en rente à Jean-Antoine Chassan par leur héritière, Marguerite Dorothée de Fauris de Noyer, vont faire de ce dernier le propriétaire le plus important de Puimichel49, notamment après le rachat de l’Hospitalet, de Chénerilles et du pré de Malijai, lors de la vente des biens de l’Ordre de Malte, décrétée par la loi du 17 septembre 1792. La dame Denoyer, quant à elle, demeurera cependant toujours propriétaire du moulin des Basses-Aires, hors d’usage depuis la Révolution, ainsi que de l’ancien four banal, en haut de la Grande Rue. Deux boulangers s’installent par la suite dans le quartier de l’Hospice, alors que trois auberges continuent à fournir gîte et couvert aux gens de passage.
L’insurrection de 1851
À la suite de la chute de Louis-Philippe, en 1848, l’avènement de la Seconde République, et surtout le coup d’Etat de Louis-Napoléon Bonaparte, en 1851, vont, comme dans de nombreux villages de la région, donner lieu à des événements tragiques. En effet, les Basses-Alpes feront partie de la quinzaine de départements qui vont s’insurger contre cette prise de pouvoir, jugée contraire aux principes de la République.
Des quatre coins du département, des groupes d’insurgés vont dès lors converger vers Malijai, considérée comme une position stratégique. Ceux du val de Rancure se joindront, à Oraison, à une troupe de 1800 hommes, descendue de Gréoux et de Valensole.
Le 9 décembre, au matin, a lieu, dans le défilé des Mées, un affrontement entre les insurgés, conduits par André Ailhaud, un des chefs de l’insurrection, et la troupe de soldats commandée par le colonel Parson. Face à la résistance farouche opposée par les premiers, la troupe régulière préfère se replier sur Vinon. Pourtant, jugeant le combat perdu d’avance, les chefs des insurgés vont décider de renvoyer ces derniers dans leurs villages.
L’armée reviendra en effet le lendemain, et les différentes villes du département seront investies au cours des jours suivants. Digne tombera le 12 décembre. À l’écrasement de l’insurrection, vont succéder la répression, les perquisitions, les interrogatoires et les arrestations. Près de 1700 insurgés bas-alpins sont jugés, entre janvier et avril 1852. Pour avoir distribué des armes, reçu des émissaires, excité des concitoyens à partir, ou pour s’être rendu en armes à Digne ou aux Mées, 956 d’entre eux seront condamnés à l’exil, à la déportation en Algérie ou encore, pour quelques-uns d’entre eux, au bagne de Cayenne.
À Puimichel, c’est l’instituteur, Natal Martin, et un cultivateur, Joseph François Regimbaud, qui seront condamnés à une déportation de dix années en Algérie. D’autres, comme le garde-champêtre, Elzéar Plauchud, l’aubergiste Jules Moisson, le maréchal-ferrant, Eugène Eyglunent, et le boulanger, Esprit Adolphe Ailhaud, verront, pour certains, leur peine commuée, mais seront tous placés sous la surveillance du ministère de la police générale. Quant aux deux fils de Jean Antoine Chassan, jugés « actifs à la propagande », le premier, Jean-Louis-Antoine, qui était devenu curé de Sainte-Croix, sera expulsé de France, et son frère, Pierre Paul, médecin à Céreste, sera interné (voir Blanc, 2008).
49 Les deux fils de ce dernier s’illustreront, comme nous allons le voir, lors de l’insurrection de 1851.
La vie agricole du village au XIXe siècle
Comme dans toute la région, c’est au cours de la première moitié du XIXe s. que le village va atteindre un pic de population. Puimichel comptera jusqu’à 794 habitants en 1841, des cultivateurs et des éleveurs pour la plupart, qui forment à l’époque 85% du corps social, dans le canton des Mées50. L’accroissement de la population dû à un excédent de naissances, au début du siècle, connaîtra cependant, à partir de 1860, une diminution liée à un excédent de décès, et surtout à une émigration importante vers les villes qui sont alors en plein développement.
Avec la loi de Jules Ferry, il se crée une école publique de garçons et une de filles, et même une école privée tenue par des religieuses. La paroisse sera d’ailleurs jugée suffisamment importante par l’évêché, pour qu’elle soit conduite par un archiprêtre qui résidera sur la place, dans l’actuelle maison Yves.
L’agriculture
En 1844, l’abbé Féraud note, dans son ouvrage, que les habitants de Puimichel sont d’« excellents cultivateurs, bons et officieux », et que le blé qu’ils produisent, et qui est essentiel pour la fabrication du pain, est « très estimé ». Cette céréale a en effet peu à peu remplacé le seigle, mais on cultive également la pomme de terre. Il existe quelques vergers et des vignobles de quelques ares chacun, dont le vin, de qualité semble-t-il, mais ne supportant pas le transport, est réservé à la consommation locale51. Les plantations se font d’ailleurs souvent en allées, disposées de façon à pouvoir cultiver, dans le même champ, la vigne, les céréales, ainsi que l’amandier ou l’olivier (Réparaz, 2007).Car, malgré les périodes de grand gel des années 1789, 1820, 1837 et 1870, le climat continue à permettre le maintien de l’amandier, cultivé depuis le XVIe siècle, et de l’olivier (celui-ci résistant mieux, en raison de la montée plus tardive de la sève qu’en basse Provence). De leur côté, la lavande et le lavandin connaissent une extension rapide à partir des années 1880-1890, cette culture entraînant, en plus, l’installation de ruches d’abeilles qui vont produire un miel parfumé.
Le mouton de race mérinos arrive dans le département en 1801 et, très vite, d’importants troupeaux vont se constituer, à côté de ceux de brebis Préalpes (une race de « payses » originaire du nord du département), qui vont coexister avec l’élevage d’autres animaux. C’est ainsi qu’en 1872, par exemple, on dénombrera à Puimichel : 3890 moutons, 508 chèvres, 165 cochons, 126 mules et 19 ânes.
50 Au milieu du XVIIIe siècle, Puimichel était le village de la viguerie de Digne qui possédait le plus grand nombre de maisons, en dehors des villes de Digne et des Mées, (à savoir 177, pour 146 à Oraison, 155 à Entrevennes et 85 au Castellet). Il était également le plus peuplé (753 habitants), après Oraison (958 habitants) et devant Entrevennes (609 habitants) et le Castellet (337 habitants) (Expily, 1763). En 1801, on comptait 718 habitants à Puimichel, 695 à Entrevennes, et 310 au Castellet (Monard, 1989).
51 On retrouve encore aujourd’hui, dans certaines caves voûtées, des tines, à savoir des cuves quadrangulaires, bâties et recouvertes de carreaux vernis, dans lesquelles macérait le raisin, après avoir été foulé.
La sériculture
L’élevage du ver à soie remonte, en Provence, au XVe s. sous le règne du roi René. Il entraînera la plantation intensive du mûrier, originaire d’Asie, qui s’adapte bien au climat de la région provençale. Et, même si nombre de ces arbres seront arrachés à la Révolution afin de ressemer du blé, l’élevage du ver àsoie (le magnan) perdurera au XIXe s, pour connaître son âge d’or entre 1850 et 1860.
Cette activité est, la plupart du temps, pratiquée par les agriculteurs moins aisés, pour lesquels elle constitue un revenu de subsistance52. Cet élevage ne demande en effet que peu de place sur le terroir et un minimum de travail, durant une quarantaine de jours par an. Les magnaneries sont, la plupart du temps, des pièces ou des espaces non utilisés qui sont chauffés par des cheminées afin d’éviter le changement de température53. Après l’éclosion des oeufs54, les femmes viennent, trois à quatre fois par jour, nourrir les vers qu’elles ont disposés sur de grandes claies, avec les feuilles de mûrier qui sont en général été cueillies par les hommes. Au bout de sept semaines, le décoconnage, consistant à détacher les cocons des petites branches qui ont été installées sur les claies lors de l’encabannage, est l’occasion de réunir la famille, les amis et les voisins autour de cet événement, vécu comme une fête. Dans les bonnes années, 30 grammes de graines peuvent fournir jusqu’à trois kilos de cocons («Les Amis des Mées»,1983 ; Pinatel, 2017).
52 C’est d’ailleurs le cas pour l’élevage du pigeon, qui se nourrit seul dans les champs, et qu’il suffisait dès lors de fixer dans des pigeonniers.
53 Au cours de ses mues et de la formation du cocon, le ver à soie a en effet besoin, durant un mois, d’une chaleur constante variant au maximum entre 22 et 24°.
54 Les anciens rappellent, à ce sujet, que, durant l’incubation (d’une durée de 10 à 12 jours) les femmes rassemblaient parfois les oeufs (les graines) dans des sachets (les nouets) qu’elles plaçaient dans leur corsage ou sous leurs jupons, afin de les maintenir à température constante et de favoriser ainsi leur éclosion.
L’entre-deux guerres et après…
À la suite de l’exode massif de la population et, surtout, de l’hécatombe parmi les hommes jeunes, provoquée par la guerre de 14-18, le village et ses campagnes, qui comptaient encore 653 habitants en 1872, n’en comptera plus que 309, en 1921 et 185, en 1946. Ils seront encore 152 en 1962. Au cours de l’été 1924, la foudre s’abat sur la chapelle Saint-Elzéar et l’incendie qui s’ensuit ainsi que le temps qui passe n’en laissent plus que des murs en ruines. Elle demeurera en cet état jusqu’en 1982, date à partir de laquelle elle est reconstruite, entre 1982 et 1985, par des chantiers de jeunes, sous la conduite de Jo Godefroid.
La chapelle Saint-Elzéar avant 1982
La chapelle Saint-Elzéar avant 2015
À gauche, les ruines telles qu’elles apparaissaient avant 1982, sur la butte formée par les fondations du château (dont on pouvait encore voir, sur la droite, les vestiges d’un mur du donjon). À droite, la chapelle, telle qu’elle se présentait il y a peu, après sa reconstruction, et avant sa « rénovation » en 2015.
Peu à peu, le village va « descendre », et la dernière maison du quartier St Elzéar, situé sous la chapelle, est abandonnée en 1927. Il en ira de même du haut de l’ancien quartier de l’Hospice, avec son androne, à l’ombre propice aux amoureux, mais menaçant ruine, qui sera rasée au début des années 1960.
Jusqu’au début des années 1930, c’est toujours une malle-poste qui assure le transport entre Puimichel et Oraison, avant d’être remplacée par un car dont le service sera assuré par les frères Brunel, Lucien et Elie.
Sur la place, la restauration de l’abside de l’église consiste, à la fin des années 1950, à remplacer celle-ci par un chevet plat, bâti en parpaings, et les vestiges du presbytère et de la porte Rouge, dont le passage est jugé trop étroit pour le passage des tracteurs, sont définitivement abattus.
Les fours du quartier de l’Hospice ayant été abandonnés, c’est un troisième, construit au milieu du XIXe s. dans la Grande Rue, qui continuera à cuire le pain jusqu’au décès du dernier boulanger, Laurent Allègre, en 1945. La boulangerie fermera définitivement après une gérance de sept ans.
Les chevaux étant de plus en plus remplacés par des tracteurs, il ne reste bientôt plus, dans le village, que la forge de Henri Esmiol, dont l’activité de maréchal-ferrant se complète, jusqu’à la fin de la guerre, par le cassage et le commerce des amandes récoltées par les propriétaires de Puimichel et des villages environnants. Avant de lui être apportées au cassoir, les amandes étaient dégovées, c’est à dire débarrassées de leur peau grise, une activité qui se pratiquait en commun, à la veillée, autour d’une table. Le cassoir brisait alors les coques, laissant à un groupe de femmes le soin d’effectuer le tri entre les débris de celles-ci et les amandes. L’activité cessera après l’arrachement des amandiers afin de faciliter le passage des tracteurs.
Les dernières magnaneries seront celles d’Angèle Yves, de Madeleine Armelin et de Reine Mogis, qui continuera, elle, à disposer ses claies, chaque année, à la ferme du Jas, jusqu’à la fin de la Seconde Guerre.
À la fin des années 1950, Henri Michel, un apiculteur originaire d’Astoin, près de Turriers, va installer une miellerie à Puimichel, qui continuera à être gérée durant une vingtaine d’années encore, après sa mort, en 1976, par son épouse, Régine.
Le déclin touche également les activités agricoles, qui se poursuivent au gré de la fluctuation des prix du lavandin, des céréales ou de l’huile d’olive, alors que d’autres productions vont, par contre, peu à peu s’éteindre.
Afin de rationaliser la distillation du lavandin, plusieurs propriétaires s’unissent pourtant, sous la présidence d’Henri Michel puis de Raymond Yves, pour fonder une coopérative, dont la distillerie sera construite à côté de la ferme Plauchud.
Les troupeaux de moutons se réduisent, eux aussi, de plus en plus. Marcel Mogis et Maurice Sube, de l’Hospitalet, sont les derniers, au cours des années 1970, à mener en transhumance et à pied, leur troupeau de plusieurs centaines de têtes. Le dernier troupeau présent dans le village va disparaître en 1991, lorsque Lolo Julien sera contraint de le vendre en prenant sa retraite. Des deux cafés restaurants qui existaient encore sur la place, celui des Armelin, situé sur la terrasse du château, fermera ses portes au début des années 1960, laissant le soin à Simone Chaillan d’assurer, seule, l’accueil et la restauration des convives de passage et des chasseurs, et à son mari, Gaston, celui de gérer le bar qui grouillera encore de monde jusqu’au milieu des années 1980.
Plusieurs fermes ont tenu, contre vents et marées, et poursuivent le travail de la terre, en maintenant de ce fait le paysage traditionnel autour du village. La pérennité de plusieurs d’entre elles est assurée par de jeunes agriculteurs engagés sur la voie de leurs pères.
Par ailleurs, une vague venue d’ailleurs a réussi son implantation dans ce décor ancestral. L’activité astronomique, qui n’avait pu s’implanter dans le village, au cours des années 1930, suite au refus du conseil municipal de l’époque d’accueillir ce qui deviendra l’observatoire de Saint-Michel, va pourtant se développer, à partir des années 1980, avec l’arrivée de Dany Cardoen, fabricant de matériel d’optique de précision, dont un miroir de plus d’un mètre de diamètre, destiné à la lunette astronomique qu’il va installer dans une coupole, au sommet du village. Cette expérience sera prolongée par l’installation d’autres observatoires.
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